Faire participer les habitants. Une démarche exigeante
Conseil citoyen, conseil municipal de jeunes, de seniors, comité de quartier..., les instances dites participatives se sont développées.
Enrichir la réflexion
Cela doit répondre à un souci de fond : «la démocratie est mal en point. Au conseil municipal, nous pensons que renforcer et défendre notre démocratie suppose de la faire vivre plus pleinement, en impliquant bien davantage et réellement les habitants », souligne l’élu. Une charte de la concertation a été rédigée, «quelques paragraphes à peine, pour ne pas être rébarbatifs, mais clarifier le cadre », précise-t-il. L’élu mesure la difficulté d’amener les citoyens à s’investir.
« Il y a de la défiance. C’est aussi peut-être ce qui nous oblige à agir », soupèse-t-il. Environ 30 habitants ont déjà adhéré à la nouvelle démarche. Pour faciliter l’implication des actifs, le conseil municipal a programmé les réunions toujours après 20h30 et en semaine. L’élu est catégorique, les habitants «enrichissent la réflexion collective » en apportant des réflexions auxquelles élus et techniciens n’avaient pas pensé. Et s’il faut parfois commencer par «parler des crottes de chien » ou «se faire engueuler », il ne s’en plaint pas. «Parce qu’après, on peut embrayer sur d’autres sujets plus impactant pour la commune, on peut passer du “ ils ” au “ nous ” ».
Maire de Kingersheim (13 000 hab., Haut-Rhin) de 1989 à 2020, Jo Spiegel a, lui aussi, cherché à innover en son temps (lire ci-dessous). Cela lui donne la réputation d’être un «pionnier » comme le présente l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) qui l’a convié en tant qu’invité d’honneur à une formation sur le sujet, les 13-14 décembre 2021.
Jo Spiegel, ancien maire de Kingersheim
(Haut-Rhin)
« Mener une “démocratie de construction” »
Dans la Mayenne, Patrice Morin savoure d’avoir retrouvé, mi-octobre, les habitants siégeant aux conseils citoyens de l’agglomération de Laval. En sa qualité de vice-président délégué à la politique de la ville, il avait à cœur d’échanger avec eux après des mois de distance en raison du Covid-19. Adjoint au logement et à la mixité sociale de Laval (49 573 hab.), il se souvient des premières «ballades urbaines », en début de mandat, avec les habitants des quartiers. «Rien que cela vous ouvre sur les autres façons de voir et de vivre un quartier. » Ces derniers mois, le fait d’avoir dû travailler plus en solitaire a modifié le cadre. «C’est un bien et un mal », analyse-t-il, car il y a gagné de la souplesse pour avancer sans contraintes, mais il sait qu’il aurait été «plus dans la recherche de consensus » si les réunions avaient pu se tenir physiquement.
« Même si on est armé de la meilleure volonté, nous sommes parfois à côté de la plaque, et ces conseils nous aident à en prendre conscience », avoue celui qui reconnaît avoir éprouvé des «réserves » sur ces conseils à leur lancement. «Je redoutais notamment qu’ils fassent doublons avec les comités de quartier. On m’avait mis en garde sur le fait que les citoyens venaient y défendre leur intérêt. Mais cela n’était pas du tout le cas. Même si on peut s’y faire malmener, c’est aussi là qu’on peut créer du dialogue, de la connaissance, à condition d’être prêts, nous aussi, à aborder de gros projets. »
Développer son modèle
Comme celui de la candidature de la commune à l’expérimentation «Territoires zéro chômeur de longue durée ». Le désir aujourd’hui est «de reprendre la vie collective là où on l’avait laissé » et d’associer les habitants à la construction de ce projet. «Nous avons besoin de nous attacher, collectivement, à une œuvre qui redonne du sens à la vie », estime l’élu.
Dans les quartiers prioritaires, on commence à tirer les bilans des conseils citoyens, créés par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dont le lancement a été compliqué. Du fait de réticences tant des élus que des techniciens chargés de les mettre en place. Et de l’implication à géométrie variable des habitants chargés de les faire vivre. C’est l’un des enseignements des premiers bilans dressés par les centres de ressources «politique de la ville » comme Réso Villes en Bretagne Pays de la Loire. La question de leur renouvellement se posera en même temps que celui des contrats de ville, en 2022 ou 2023.
En Loire-Atlantique, Saint-Nazaire (73 500 hab.) renouvelle déjà les sept conseils citoyens de quartier, une contraction qui traduit la combinaison des deux instances – conseil de quartier et conseil citoyen. La pratique «participative » est soutenue ici, avec déjà les premiers comités de quartier lancés en 2008, même si la ville n’en avait pas l’obligation. Les conseils citoyens se sont greffés en 2014, cette fois avec l’obligation de les mettre en place. Les élus comptent aujourd’hui développer leur modèle. Le mandat des habitants nommés ou tirés au sort est, par exemple, allongé à cinq ans (soit le temps souvent nécessaire pour mener un projet), mais en laissant ouverte l’idée d’entrées et de sorties permanentes et une rotation des effectifs à mi-mandat.
Selon Rozenn Jestin et Magali Angèle, chargées de mission à la ville de Saint-Nazaire : «Il y a des projets (les balades de M. Hulot, ouverture d’une guinguette dans le bois Joalland…), initiés par les habitants, qui n’auraient jamais vu le jour car nous n’y aurions pas pensé. Les services nous disent qu’ils travaillent différemment sur les projets car ils y trouvent du plaisir. »
1995 : premiers budgets participatifs.
1996 : les comités consultatifs (article L.2143-2 du Code général des collectivités territoriales) peuvent être créés par le conseil municipal sur tout problème d’intérêt communal.
2002 : les conseils de quartier sont obligatoires dans les villes de plus de 80 000 habitants (loi du 27 février 2002). Facultatifs en deçà.
2014 : création des conseils citoyens obligatoires dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (loi du 21 février 2014).
Raccourci : mairesdefrance.com/1092
Cet article a été publié dans l'édition :
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